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Un héritage, à l'heure d'une refonte muséale
Il y a vingt ans, le 21 septembre 2004, l'archéologue Georges Laplace, né en 1918, décédait. Il disparaissait aux pieds de ses chères Pyrénées, qu'il quitta en plusieurs périodes de sa vie, pour toujours mieux y revenir. Derrière lui, il laissait un musée, le legs de vastes collections archéologiques, des amis, des inimités et des continuateurs et, surtout, une œuvre et une trajectoire de vie riches, marquées par une volonté tenace de faire collectif, et dont il reste encore à prendre toute la mesure et la portée.
La rencontre Dialectiques pyrénéennes, organisée aux portes de la vallée d'Ossau, à Arudy, y contribuera. Ceci, alors même que le Musée d'Ossau – dont Laplace fut le premier artisan – est actuellement engagé dans un vaste chantier de renouvellement, afin de dire au mieux, pour aujourd'hui, ce que sont les territoires pyrénéens et les manières humaines et non-humaines d'y vivre.
Car, à travers les activités de recherche – archéologiques ou autre – c'est bien de vivre ensemble quelque part dont il s'agit. À ce titre, bien davantage qu'un lieu d'exposition, le Musée d'Ossau a été durant deux décennies, de 1969 à 1989, un espace éphémère de gai savoir annuel pour tous les participants et participantes des « séminaires d'Arudy ». Organisés par Georges Laplace et Delia Brusadin-Laplace, ces séminaires firent d'Arudy le lieu de maturation internationale et interdisciplinaire de l'une des propositions méthodologiques parmi les plus modernes de l'archéologie de la seconde moitié du XXe siècle, constituant un jalon négligé du développement de l'archéologie computationnelle actuelle.
Quatre dialectiques pour un hommage en négatif
Conscientes de l'originalité des travaux menés à Arudy, des rencontres et publications scientifiques ont été organisées en Italie (Martini, éd., 2005), Pays Valencien (Gusi i Jener, éd., 2006), Catalogne (Mercadal i Fernandez, éd., 2009) et, plus récemment, au Pays Basque (Calvo et al., éd., 2015). Paradoxalement, rien de tel n'a eu lieu jusqu'ici en France et ces travaux n'y occupent qu'une place très minime dans la mémoire et l'histoire de l'archéologie.
Faudrait-il s'en remettre à l'adage selon lequel « nul n'est prophète en son pays » ? Ou déplorer l'oubli injuste d'une figure marginalisée, qu'il s'agirait alors de réhabiliter ? Ce serait scientifiquement court et insatisfaisant. Car, en effet, encore faudrait-il s'entendre au préalable sur ce qu'est la « marginalité » en science (Fages 2018, Plutniak 2019) ou, encore, tenir compte de la complexité des mécanismes et enjeux liés à l'écriture de l'histoires des disciplines scientifiques (Graham et al., éd., 1983). Or, loin d'être simples et triviaux, ces concepts et leurs problèmes sont ceux qui constituent l'objet des recherches empiriques menées par les historiens et les sociologues des sciences (Lamy 2018).
Ce sont donc des approches fermement appuyées sur les méthodes des sciences sociales qui sont requises, afin de resituer les recherches menées à Arudy et d'éclairer les trajectoires et interventions de Georges Laplace et de ses compagnons dans les contextes scientifiques et politiques de la seconde moitié du XXe siècle.
Au-delà de l'archéologie préhistorique – à laquelle il consacra l'essentiel de sa vie – scruter la trajectoire de Georges Laplace conduit à aborder des thématiques particulièrement diverses, tant scientifiques, qu'éthiques et esthétiques. Prenant acte des rapports nécessaires entre l'« œuvre » et la « vie » (Adell & Lamy 2016), les contributions de la rencontre Dialectiques pyrénéennes se déclinent autour de quatre dialectiques, quatre thématiques constituant autant d'évocations en creux et de regards tangents sur la figure de Georges Laplace.
Les dialectiques en question seront celles des tons et tonalités du chant, des lieux pyrénéens et montagnards, des savoirs scientifiques et dissidents et, enfin, celle des transmissions anciennes ou actuelles. Quatre dialectiques elles-même en écho à d'autres dialectiques contextuelles à Georges Laplace :
celle hégélienne, d'abord, dont il se réclamait et qu'il tenait appliquer à ses travaux d'archéologie préhistorique, à l'instar du philosophe Henri Lefebvre (Lefebvre 1969), béarnais lui aussi et invité occasionnel des séminaires d'Arudy, qui articulait pensée dialectique et marxisme ;
la dialectique de Dialektikê ensuite, revue éditée par les participants et participantes des séminaires ;
ou, encore, une dimension dialectique plus intime et personnelle, cette « fuerza de la contradicción interna » que pointaient et saluaient autrefois deux participants de long terme des séminaires (Vila & Estevez 2006).
Organisation
La rencontre Dialectiques pyrénéennes est organisée par :
Sébastien Plutniak (CNRS, UMR Citeres) et
Mathilde Esquer (Musée d'Ossau, Arudy)
avec le soutien de Benjamin Marquebielle (UMR Traces)